Création de l'univers
Dans les mots Tisser et Filer, nous ne trouvons pas uniquement l'idée de prédestiner ; Tisser ou Filer, c'est aussi créer, c'est-à-dire faire sortir de son imagination des formes, tout comme le fait l'araignée qui bâtit sa toile d'elle même. Ainsi, le Tisserand se trouve en face d'un tas de fils en écheveaux, il les prend un à un et les place sur le métier à tisser dans l'ordre où ils entreront dans la composition du tissu ; c'est le passage de l'informel à la forme et il imite ainsi l'esprit du Dieu qui, planant sur les eaux primordiales (le Chaos), en divisa les éléments pour les organiser, afin d'en faire un Cosmos. Mais est-ce bien là une imitation ? La "Création" de ce Cosmos n'est-elle pas continue ? Le Tisserand peut être alors comparé à un outil manié par la main de ce Dieu. Car le Tisserand crée toujours des formes ou des tissus nouveaux et participe de ce fait à l'organisation de ce Cosmos, qui est une oeuvre où l'Esprit du Dieu est descendu dans la matière.

Le travail du Tissage est donc un travail de création. Il peut être comparé à un enfantement, car lorsque le Tisserand, sa pièce de tissu terminée, coupe les fils qui la retiennent au métier, il procède comme la sage-femme qui coupe le cordon ombilical du nouveau-né. Et c'est peut être pour ces raisons, que de nombreux auteurs, décrivant la Création de l'Univers et de l'Homme, ont utilisé des termes propres au Tissage : tisser, trame, chaîne, étoffe, tunique. Parmi ceux-ci, citons : Platon, qui nous parle dans Timée d'une partie mortelle de l'âme, tissée par les Dieux sur une partie immortelle. Quant à Marc Aurèle, nous pouvons entendre dans son ouvrage Pensées II, Proclos disant que la magicienne Circée présidait à la génération et selon elle, naître pour une âme, c'est voir se tisser autour d'elle comme le cocon autour du ver à soie, les réseaux de nerfs, veines, artères et toute la trame de chair qui constituent le corps. L'homme est souvent comparé à une étoffe tissée par la Divinité mais à cette étoffe, il faut lui donner la vie, le mouvement et nous trouvons alors dans le Tao Te King ceci : " l'Energie Divine, sous ses deux aspects, actifs et passifs (yin et yang) tisse par son double mouvement l'existence universelle : c'est le mouvement de va-et-vient de la navette sur le métier à tisser cosmique ". Et nous retournons alors à notre Destin, cité plus haut, car il est toujours présent, implacable, et nous allons nous en rendre compte en étudiant chaque outil et ouvrage de tissage.
Cocon


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